Je me souviens encore de mon réveil cet après-midi là. La sensation d’un corps lourd et douloureux. Un corps qui n’est pas le mien. Et pourtant. Je suis bien dedans.
La première étape a été de réapprendre les gestes du quotidien. Se lever, marcher, se laver. Même manger était épuisant. Quand le corps ne peut rien, on a le temps de penser, de réfléchir, de divaguer, et même essayer de ne penser à rien.
Poser son cerveau. Laisser les idées passer. Juste passer.
Sinon, le vide.
Les infirmières étaient bien entendu là, bienveillantes et aidantes, pour aider, pour soutenir, pour accompagner.
Tu as 24 ans, ton corps en a 40 de plus.
Alors comment se réapproprier son corps au quotidien ?
_ Réfléchir
Penser la maladie : pourquoi, comment. Est-ce un message ? C’était peut être une façon de me recentrer sur mon corps, que j’avais trop longtemps tyrannisé, balloté, désaimé…
Puis aussi de me le réapproprier et le chérir après toute
cette douleur.
_Donner une nouvelle ampleur aux gestes simples
Prendre conscience des gestes de soin : un gommage, l’application
d’une crème, les massages…
Faire les courses : bien se nourrir, manger avec
lenteur, des aliments sains qui nous font plaisir…
_Laisser une place aux nouveaux ressentis
Faire du Yoga & du Pilates : dénouement des
tensions, étirements des zones sensibles, connaître ses limites et savoir les
dépasser quand c’est le moment et quand le corps est prêt.
Et vous, comment vous êtes vous réappropriés votre corps après une ou plusieurs opérations ?
« Vos douleurs ? Sur une échelle de 1 à 5 ? » – Ben toujours. Mais ça se calme, ça dépend en fait. C’est plus par crises qu’en continu. Là maintenant 2, mais des fois 0, des fois 4.
« Et Androcur, on continue? » – J’ai trop galéré pour trouver un traitement qui me convient, je le garde pour l’instant, on verra bien.
« Vous aviez fait une IRM cérébrale de contrôle ? – Oui, l’année dernière mais j’ai jamais eu les résultats.
« Ah oui je les ai, tout est ok, vous avez juste une sinusite chronique. » – A bon. Depuis quand. J’ai quand même demandé si elle ne s’était pas trompée de patiente, elle a douté quelques secondes. Hin hin.
« D’autres questions ? » – Ben euh oui la congélation d’ovocytes.
« Vous avez un chéri ? C’est le bon ? » – Hin hin. Ben j’espère bien mais on ne sait jamais.
« On préfère laisser faire la nature avant de l’envisager » – Oui mais j’ai 28 ans et euh je suis pas du tout dans une perspective bébé à vrai dire. Ni maintenant ni dans les 3 ans.
« Ah. Oui. Bon. Si effectivement vous n’envisagez rien avant 30 ans, ça peut être une bonne idée, surtout que vous avez été opérée et que votre réserve ovarienne est plus faible » – Super. Ça me rappelle une radiologue qui m’avait dit que j’avais quasiment plus d’ovaire droit. Vu la douleur des fois, je te rassure, il doit m’en rester un peu.
« C’est un traitement lourd. Piqûres d’hormones tous les jours jusqu’à ce soit ok. Et ça ne garantit pas une réussite. Je vous redirige vers mes collègues » – Ben oui je veux bien juste avoir des infos, si je veux espérer peut être éventuellement pourquoi pas avoir au moins un enfant un jour en bon état ça pourrait valoir le coup.
C’est quand même étrange d’envisager quelque chose qu’on n’envisage pas, vous voyez ce que je veux dire ? Je dois anticiper un désir que je n’ai pas encore. C’est hyper bizarre en vrai.
Et voilà, je repars avec 2 ordonnances et une recommandation. Et c’est tout. Je peux continuer ma vie.
C’est la petite piqûre de rappel de ta maladie alors que, perso, je ne me suis jamais sentie « malade », et encore moins « malade chronique », sauf dans les crises de douleurs et de fatigue.
Dire que je peux vivre ma vie à peu près normalement, je pense à toutes ces femmes qui souffrent et qui ne peuvent pas vivre leur vie. A vous toutes, je vous souhaite tout le courage que vous méritez.
Et vous, votre rendez-vous annuel (ou plus), ça donne quoi ?
Graaande question qu’est le traitement hormonal de l’endométriose. Je parle bien de traitement hormonal et non pas de pilule car la question est bien plus vaste que celle de la contraception.
Suite à mon opération, j’ai donc reçu une injection d’Enantone, qui met le corps en « ménopause artificielle » c’est-à-dire que le produit agit sur les organes de la reproduction et arrête les cycles menstruels. Plus de règles pendant 6 mois donc, et, en ce qui me concerne, PLUS AUCUN effet indésirable que vous pouvez avoir dans votre cycle (bouffées de chaleur, prise de poids, humeur changeante…) Un bonheur absolu pour moi, que j’aurais aimé conserver, mais bien évidemment, c’était impossible. En parallèle, j’avais un traitement homéopathique et phytothérapique afin d’éviter les effets secondaires de type bouffées de chaleur. J’ai donc vécu cette ménopause artificielle plutôt très bien.
6 mois plus tard, on me prescrit une nouvelle pilule qui, bien entendu, ne fonctionne pas : poussées d’acné, prise de poids, fatigue. J’attends 1/2 mois et puis j’arrête, avec l’accord de mon médecin, puisque mon corps n’en veut pas.
Deuxième pilule, IDEM. Je commence à être fatiguée et désespérée. Moi qui n’ai eu que des boutons localisés à l’adolescence, me voilà couverte d’acné à l’âge de 25 ans. Evidemment, des cicatrices apparaissent, que j’ai toujours aujourd’hui. On vit avec bien entendu, mais c’est quand même déprimant d’avoir des boutons à l’âge adulte. Vraiment. Surtout quand vous avez des cicatrices qui restent.
Le suivi dans mon centre d’endométriose a changé ma vie. Directement, ils ont trouvé le bon « combo » comme on dit, un traitement hormonal (et non pas une pilule, car il n’est pas contraceptif à 100% ) avec des extraits d’hormones naturelles, qui font que je le supporte plutôt bien.
Malheureusement, ma problématique actuelle est que ce traitement comprend la prise d’1/4 de comprimé d’Androcur, qui a fait polémique ces derniers temps sur les cas possibles de développement de méningiomes (tumeurs bénignes du cerveau).
Ayant vraiment galéré pour trouver un traitement qui me convenait, j’ai décidé de le continuer en effectuant les contrôles demandés, soit une IRM cérébrale pour surveiller la venue de ce méningiome. J’ai ce traitement depuis 2 ans, et pour l’instant : 🤞
Et vous, quel est votre traitement ? Avez-vous des effets secondaires, et, si oui, lesquels ?
Entre temps, je fais ma vie, le travail saisonnier, les collègues trop sympas, et un peu les vacances aussi. Les vacances, c’est aussi la famille, donc début août, anniversaire de ma mère, on décide de faire un super tour en bateau sur le Bassin d’Arcachon. Il fait beau, le ciel est bleu, les oiseaux chantent, bref tout va bien. J’ai un peu mal au ventre mais bon.
Le lendemain, vacances again, il fait moins beau, le ciel est gris et je décide de manger une part de flan parce que c’est le goûter (on ne change pas une équipe qui gagne). Entre temps, j’avais eu un spasme au ventre mais qui s’était envolé aussi vite que mon dernier amour de vacances . Je mange donc mon flan comme convenu.
Quelques minutes plus tard, je sens une douleur au ventre, une sorte de spasme qui me prend, je décide donc de m’allonger. La douleur ne part pas, et prend tout le ventre, le bas-ventre et l’estomac. Ma mère vient me voir. « Non ça ne va pas du tout là ». Vomissements sur vomissements, douleurs sur douleurs, on appelle le médecin de garde qui vient aussi vite que possible (c’est à dire pas aussi vite que ça, surtout quand tu souffres le martyre). On lui parle de mes examens, elle soupçonne une rupture de kystes. On appelle l’ambulance.
Toujours dans l’ambulance donc, toujours en souffrance aussi (je n’ai pas pris d’anti douleurs), brancards et c’est parti pour la clinique « qui s’y connaît en gynécologie ». Dans l’ambulance, je souffre toujours, je gémis, le plus jeune des deux me rétorque « tant que vous ne vous êtes pas évanouie, c’est que ça va ». Comment te dire que non, ça ne va DU TOUT en fait. 30 minutes de trajet. J’arrive aux urgences.
On me « range » dans une salle et j’attends. J’attends. 30 minutes, peut-être 1 heure. Le temps s’étire. On ne m’a toujours rien donné. Je souffre toujours. Une infirmière arrive enfin, et me donne les anti-douleurs tant attendus. Je passe ensuite des analyses, un médecin me dit « mais vos analyses ne sont pas bonnes du tout. » J’imagine le pire, évidemment. En fait, j’ai une grosse infection. Je passe ensuite une échographie. Rupture du kyste de l’ovaire droit. On opère demain matin. En attendant, c’est dérivé de morphine. Je suis à la ramasse mais au moins je dors.
5 heures ? 6 heures ? Je ne sais plus. Direction la salle d’opération, on m’y emmène et on m’y endort, et bien entendu les jambes écartées, comme chez le gynéco, sauf que là tu t’endors comme ça. Comment dire que. J’étais pas confort, j’avoue.
Réveil, peut-être 2 heures plus tard. Impossible de bouger, une douleur diffuse me prend le corps. Plus je me réveille, plus j’ai mal. Au bas-ventre bien sûr mais aussi au ventre, vraiment. Dans un demi-sommeil, on me ramène dans ma chambre. Ma famille arrive un peu après mais je suis là sans être là. Je somnole entre deux discussions. Puis le chirurgien arrive en fin de journée
J’ai eu une coelioscopie (chirurgie mini invasive, je n’ai que 3 petites cicatrices presque invisibles à l’oeil nu). Il m’explique la rupture de kyste. Il m’explique aussi l’infection. J’ai le péritoine (la membrane qui tapisse l’intérieur de l’abdomen, le pelvis et les viscères) qui s’est rompu suite aux cellules d’endométriose qui avaient migré jusque dans mon estomac. La douleur et l’infection, c’était ça. Il m’explique aussi que le kyste de l’ovaire était vraiment gros, du coup, il ont enlevé une partie de mon ovaire droit. J’ai un ovaire et demi désormais.
Ensuite, il y a aussi des adhérences entre le rectum et l’utérus, qui n’ont pas été totalement enlevées car c’était compliqué et dangereux. Les traitements hormonaux devraient seulement réduire les adhérences restantes.
J’ai donc une endométriose sous péritonéale profonde, dont les cellules se trouvent au niveau du péritoine, mais aussi le rectum et l’utérus, avec, des kystes aux ovaires (retirés à l’opération) et l’adénomyose dans les tissus utérins.
Au final, je n’avais pas tant de symptômes que ça, mais il faut savoir que l’intensité et la pluralité des symptômes ne sont pas significatives dans le type de diagnostic, c’est-à-dire qu’il est possible d’avoir peu de symptômes avec une endométriose profonde et étendue (comme moi) ou avoir des douleurs très intenses avec une endométriose simple et localisée (par exemple, qui peut se manifester seulement par des kystes d’endométriose).
Bref, je dois entrer en ménopause artificielle pendant 6 mois (injection unique d’Enantone) suivie d’un traitement hormonal ou pilule jusqu’à ce que j’ai un projet de grossesse, avec une reprise du traitement après la grossesse bien entendu. Sachez que la grossesse NE GUERIT PAS l’endométriose, elle l’atténue le temps de gestation. Il s’agit d’une maladie incurable aujourd’hui, qui se contrôle par le biais d’un traitement hormonal et éventuellement de chirurgies. Bref, autant dire que je suis ravie, je dois prendre la pilule à vie, moi qui ne la supporte pas. Je ferai un article spécifique qui fera l’objet des traitements hormonaux.
On dit que le corps se remet mieux d’une cœlioscopie car c’est une petite chirurgie. Le médecin m’annonce qu’en deux semaines, je serai sur pieds. Ce ne fut bien entendu pas le cas. Le lendemain, on m’enlève le drain, avec une douleur terrible à la clé. Les infirmières essaient en plusieurs fois, impossible. Elle l’enlèvent donc d’un trait, c’est pire. C’est donc une nouvelle vie qui s’offre à moi : je dois réapprendre à me tenir debout, à me lever bref à faire ma vie. J’essaie de me doucher, et j’ai tellement mal que je pleure dans la douche. Mon corps ne m’appartient plus. J’ai pris 40 ans en une journée. L’infirmière arrive, me rassure, me dit que c’est normal, que ça prendra du temps mais que j’y arriverai, que je suis courageuse. Je dois aussi manger, mais c’est beaucoup trop difficile, je suis si fatiguée. Je dois aussi porter des bas de contention car je vais rester allongée un moment. Je sors de l’hôpital un ou deux jours après l’opération. J’ai toujours autant mal à l’endroit où le drain a été retiré. Je dors beaucoup, mange peu. Mais je réfléchis, et je me demande aussi pourquoi j’ai pu avoir ça.J’écris aussi beaucoup. J’ai repris le travail difficilement et la vie aussi. Maintenant, je ne me considère pas comme malade car ça va. La douleur du drain est toujours présente, 5 ans après. J’ai des cicatrices internes que je dois détendre en massant. Dès que je prends ou perds du poids, je le sens aussi. Mais j’aurais pu avoir beaucoup, beaucoup moins de chance.
Et vous, avez-vous été opérées ? Dans quelles conditions ? Avez-vous encore des douleurs liées à la chirurgie ?
Je souhaite parler directement du diagnostic car c’est un parcours du combattant qui s’est ouvert à moi.
Certes, dès mes premières règles, j’avais des douleurs (mais supportables, je n’en ai pas un souvenir si terrible), mais surtout mes règles étaient très abondantes, j’utilisais jusqu’à 4 serviettes de nuit par jour, je perdais beaucoup à chaque cycle et c’était épuisant. Mais normal pour moi (et pour tout mon entourage d’ailleurs), j’ai vécu comme ça pendant presque 10 ans.
Par contre, j’ai eu des cystites très jeune et de façon récurrente. J’étais habituée mais c’était aussi épuisant, physiquement bien entendu mais mentalement également.
A l’âge de 24 ans, déterminée à comprendre ces cystites récidivantes, je décide de consulter un médecin généraliste (qui n’est pas mon médecin traitant, et qui ne m’a jamais eue en consultation). Je lui parle donc de mes cystites uniquement et elle décide de me faire faire une échographie des reins « pour voir ».
Je me rends donc dans un centre de radiologie, inconnu également à mon palmarès des médecins et radiologues. Je rentre dans la salle d’examen, et me fait une échographie des reins. Je lui raconte un peu ma vie (en vrai, j’aime bien raconter ma vie aux gens), mes cystites, mes règles (et encore), bref, ma vie mon oeuvre. « Ok, rien à signaler mais on va regarder aussi les ovaires et faire une échographie endo-vaginale si vous le voulez bien ». Il était vraiment gentil, hyper doux et tout, j’ai donc accepté. C’est lors de l’échographie endo-vaginale qu’il décèle des kystes « potentiellement d’endométriose » mais je dois faire un IRM pour confirmation. Je n’étais pas plus stressée que ça, à l’époque (2015, quand même…), je n’avais JAMAIS mais vraiment JAMAIS entendu parlé de cette maladie. Je ne me renseigne pas spécialement non plus et je vais passer mon IRM. L’IRM se fait quelques semaines après, et ils me rendent les clichés sans rien dire. Je me permets donc de leur demander, ils me répondent aussi froidement que possible « Il n’y a rien, rentrez chez vous ». Je ne suis pas du genre à Googler les termes de médecine donc je me disais qu’ils connaissaient leur métier.
Entre temps, je vois une gynécologue, inconnue au bataillon elle aussi, qui me donne un traitement car j’ai peut-être des kystes « fonctionnels » (de cycle donc) qui pourraient expliquer la première échographie. Je les prends, mais rien n’y fait. Elle me prescrit une deuxième échographie. J’emmène donc les résultats de la première, les résultats de l’IRM, je ré-explique ma vie au radiologue et là le diagnostic tombe, net, précis, sans détour : j’ai une endométriose. Plus exactement une adénomyose (qui est une endométriose des tissus utérins) ET des kystes ovariens d’endométriose, l’un de 8 cm à l’ovaire droit, l’un de 4 cm à l’ovaire gauche. Je ne comprends pas, je pleure, j’appelle ma mère (qui ne comprend pas non plus). Je retourne voir ma gynécologue qui me confirme l’endométriose et me programme une opération des kystes pour fin août 2015.
Après 10 ans de règles, j’ai donc été diagnostiquée en août 2015 à l’âge de 24 ans.
Et vous, quel a été votre délai de diagnostic ? A quel âge ? Et par qui ?
Avant de commencer à rédiger mon premier article (j’avoue, j’avais un peu peur aussi), je souhaitais vous expliquer les raisons principales de ce blog :
Vous partager mon expérience afin que de pouvoir en parler et d’échanger sur nos expériences personnelles ;
Vous donner les conseils que j’ai grâce aux professionnels qui me suivent afin de mieux vivre la maladie (alimentation, sport, vie quotidienne…) ;
Rompre la solitude que peut provoquer cette maladie ;
Pouvoir parler librement de cette maladie sans jugement.
Etant très pudique, j’ai mis du temps (6 mois, peut-être plus) entre l’idée que j’avais de ce blog et la rédaction du premier article. Il est compliqué je trouve de se confier à un blog qui relève de la sphère privée (car on se retrouve seule face à soi même et son expérience personnelle) que la publication rend disponible aux yeux de tous et qui, de fait, ne nous appartient plus vraiment. C’est donc un exercice tout nouveau pour moi, qui me repousse un peu dans mes retranchements.
Ce qui m’a décidée ? Le fait d’avoir besoin d’en parler, car, maintenant, ça va (presque) mieux même si rien n’est fini (j’en parlerais dans un prochain article sur mon traitement) et aussi le besoin de partager ce qui m’a fait souffrir, pleurer mais aussi soulager ou fait du bien. La solitude de femmes aussi, qui essaient de comprendre, ne savent pas à qui parler, ou comment…
Ce blog est aussi un espace dédié à elles, à vous.